jeudi 9 juillet 2015

Pourquoi l'étude des libellules me passionne autant (par Raymond Hutchinson)


(photo: Ceylan Yuksel)

L'odonatofaune du Québec, et du sud-ouest de la province, en particulier, est une des plus riches au monde pour une zone tempérée froide et une zone boréale et subarctique ( 146 espèces pour le Québec, autour de 125 espèces pour l'Outaouais, 104 espèces pour la ville de Gatineau,  environ 100 à 110 espèces pour l'Europe, une quarantaine pour la Grande-Bretagne.

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Plus de 57 espèces sur les 146 sont réputées rarement trouvées si l'odonatologue ne s'intéresse qu'aux odonates adultes; moins d'espèces sont rares si l'inventaire comprend la récolte de larves et d'exuvies. Un véritable travail de détective.

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La saison de vol des libellules se profile de la façon suivante : la première partie de la saison, printemps, début d'été permet d'observer et de récolter des spécimens en grand nombre. C'est la période des émergences massives d'un certain nombre d'espèces : les espèces à émergences printanières; la deuxième partie de la saison se caractérise par des émergences plus éparpillées; il s'agit des espèces dont la période de vol s'étend de la mi-juillet à la fin de la saison de vol annuelle de nos odonates. On observe souvent moins d'individus en vol, mais cette période reste riche en espèces et en individus.

(photo: CP)
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La taille de nos libellules adultes est idéale pour observer leur comportement en nature, comme on peut le faire pour les oiseaux.

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Les possibilités de la photographie numérique montrent que les libellules, par leurs couleurs chatoyantes, sont parmi les plus beaux insectes qui soient.

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L'examen des ailes, avec leurs nervures et leurs nervules, est une source d'émerveillement constant, notamment en raison de leur diversité et de leurs variations subtiles; le tout s'observe avec une loupe ou une loupe-binoculaire peu coûteuse.

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 L'examen des pièces génitales, qui sont généralement externes, révèle une diversité de structures et de formes époustouflante (de véritables oeuvres d'art).

(photo: CP)
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Le vol des libellules est unique dans le monde des vivants et a éveillé l'attention et l'admiration d'ingénieurs en aéronautique comme Sitkorsky (inventeur des hélicoptères modernes). Ils se sont émerveillés des différentes capacités du vol, virage dans tous les sens, translation latérale, recul, vol au point fixe, planage etc.

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Le vol des libellules peut atteindre une cinquantaine de kilomètres l'heure dans certains pays tropicaux (nos espèces peut-être une trentaine).

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Le modèle libellule  (morphologie, forme), comme on voit de nos jours est le même que les libellules qui existaient environ 50 millions d'années avant les dinosaures, selon une spécialiste des fossiles d'insectes de l'université Carleton, que j'ai consultée.

(photo: CP)
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L'activité des libellules est un livre ouvert, comportement territorial (variations importantes selon les genres et les espèces), pontes (grande diversité), agressivité, prédation, dortoirs, tout se déroule devant vos yeux; il suffit d'observer.

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L'observateur peut être témoin de centaines d'émergences sur les rives et observer leur durée selon les genres, les espèces, les émergences ratées, les nouveaux adultes, parfois victimes de prédation; tout peut se documenter par l'observation directe et la photographie numérique; il suffit d' être là!

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Le  comportement territorial. La prise de possession, l'occupation d'un site par des mâles : souvent près du lieu de ponte; arrivée des mâles, avant les femelles; le site peut se définir le lieu du rendez-vous des partenaires sexuels; la domination du site par le mâle le plus agressif, et présumément en meilleure santé (état physiologique); sites choisis selon l'accès aux ressources; fidélité aux sites, selon les espèces; courtes périodes: ex. L. unguiculatus; quelques minutes de plus : Argia tropicale, Enallagma boreale, E. carunculatum, E. civile; fidélité persistante, longue aux sites de nombreuses espèces : Libellula, Leucorrhinia.

(photo: CP)

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Types de comportement territorial pour moi, observable en excursion : 1, patrouilleurs de longues distances : les Aeshna, Basiaeschna, Boyeria, Somatochlora (plusieurs espèces, ex. S. cingulata); Didymops, Macromia, Stylurus spiniceps et notatus; 2, patrouilleurs de courtes distances : les 4 espèces d'Epitheca, les Helocordulia; 3, types de comportements percheurs : Libellula, Leucorrhinia, Sympetrum?;  4, Calopteryx, Perithemis, etc. 5, Système territorial complexe, non observable sans recherche scientifique à long terme, voir Jacobs,1955. Studies in territorialism and sexual selection in dragonflies. Ecology 36 : 566-86. (Plathemis?).

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Corollaire : à la survie des espèces : certains mâles d'odonates possèdent une structure pour retirer d'une femelle le sperme provenant d'un accouplement antérieur. (voir Waage, au moins cinq articles sur le sujet : ex. : Waage, J.K. 1979. Dual function of the damselfly penis : sperm removal and transfer. Science 203 : 916-918.

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Ouvrages à consulter:

Corbet, P.S. 1999. Dragonflies, Behavior and Ecology of Odonata. Cornell University Press. Ithaca, New York. 829 pages.

Hutchinson, R. et A. Larochelle. 1977. Manuel d'identification des libellules du Québec. Cordulia. Supplément 4. 102 pages.

Lam, E. 2004. Damselflies of the Northeast. Biodiversity Books. Forest Hills, New York. 96 pages.
Needham, J.G., Westfall, M.J., jr. et M.L. May. 2000. Dragonflies of North America (revised edition). Scientific Publishers. Gainesville, Florida. 939 pages.

Paulson, D. 2011. Dragonflies and Damselflies of the East. Princeton Field Guides. Princeton University Press. 538 pages.

Pilon, J.-G. et D. Lagacé. 1998.Les Odonates du Québec : traité faunistique. Entomofaune du Québec inc., Chicoutimi, Québec. 367 pages.

Robert, A. 1963. Les libellules du Québec. Service de la Faune. Bulletin 1. Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Province de Québec. 223 pages.

Savard, M.  2011. Atlas préliminaire des libellules du Québec (Odonata). Initiative pour un atlas des libellules du Québec avec le soutien d'Entomofaune du Québec

Walker, E.M. 1953. The Odonata of Canada and Alaska. Volume I. The Zygoptera. University of Toronto Press, Toronto. 292 pages.

Walker, E. M. 1958. The Odonata of Canada and Alaska. Volume II. The Anisoptera, four families : Aeshnidae, Petaluridae (une espèce), Gomphidae, Cordulegastridae. University of Toronto Press, Toronto. 317 pages.

Walker, E.M. et P.S. Corbet. The Odonata of Canada and Alaska. Volume III. The Anisoptera : three families : Macromiidae, Corduliidae, Libellulidae. University of Toronto Press, Toronto. 307 pages.

Westfall, M.J., jr. and M.L. May. 1996. Damselflies of North America. Scientific Publishers. Gainesville. Florida. 649 pages.

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[Raymond est présentement à Port-au-Saumon (camp ERE de l'estuaire) pour sa 112ème année consécutive. Je suis certaine qu'il a encore contaminé les jeunes avec sa passion, sa curiosité, son humour et ses connaissances encyclopédiques. Il participera demain à la cérémonie de dévoilement de la plaque commémorative pour le père Jean-Baptiste Genest, le fondateur du camp décédé l'hiver dernier.]


3 commentaires:

  1. Je lis 112e année à Port-au-Saumon. Raymond, je te savais plus àgé que moi (j'ai atteint 72), mais pas tant que ça. Salutations amicales et bons souvenirs. / MICHEL BERTRAND ;-)

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  2. Après vérification de ma part, c'était sa 50ème

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